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Bienvenue pour cette 5e rencontre mensuelle ! Aujourd'hui, nous allons aborder cette question que bien des auteurs sous-estiment ou repoussent : faire des séances de dédicace.

Avec Eric Gilberh, ancien libraire à L’Espace Culturel Leclerc de Varennes-sur-Seine, nous allons parler de la préparation de ces séances, de ce à quoi tient leur réussite et nous malmènerons aussi quelques idées reçues !


Regarder la vidéo de l'interview :


Retranscription de l'interview :

Préambule

Avant cela, je souhaiterais remettre les choses dans leur contexte ! L’Espace Culturel Leclerc de Varennes-sur-Seine, où j’ai rencontré Éric, c’est la première séance de dédicaces que j’ai faite en magasin, un 11 mars 2017.

Je n’avais fait qu’un Salon du livre un mois plus tôt, où j’avais vendu 27 livres en deux jours. Lors de ce Salon, je me suis aperçue de deux choses. D’une part, j’adorais aller à la rencontre de mes lecteurs ! D’autre part, il était possible de vendre beaucoup de livres, en comparaison à ce que je faisais sur Amazon, à cette époque-là.

Varennes : ma première dédicace

Donc, je me suis lancée dans cette aventure un peu folle des séances de dédicaces. Quand je suis arrivée à L’Espace Culturel Leclerc de Varennes, à 1h de route de chez moi, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre et j’étais franchement stressée !

Heureusement, comme vous allez le voir avec Éric, l’équipe est très sympathique. L’Espace Culturel Leclerc en lui-même est aussi très agréable. Ça a ainsi été une très bonne expérience pour commencer. J’ai notamment vendu une trentaine de livres entre 10h et 19h.

Cela a provoqué un véritable déclic ! Depuis, je n’ai plus arrêté de faire des séances de dédicaces. Aujourd’hui, j’en fais tous les week-ends et vends en moyenne une vingtaine de livres par séance. 

Les dédicaces sont importantes !

Je soutiens l’idée qu’il faut faire des dédicaces, car je trouve ça fondamental !

D’abord pour la rencontre même avec le lecteur et la vente de livres en tant que telle. Ensuite, c’est un excellent moyen de fidéliser les lecteurs. En effet, on crée une relation avec eux (à partir du moment où on est sincère bien entendu). C’est aussi source d’un grand épanouissement personnel, d’aller au-delà de ses peurs, comme j’ai pu le faire en 2017.

Ça m’a appris énormément de choses sur moi, sur la manière dont je pouvais parler de mes livres, sans pour autant vendre ; convaincre les lecteurs sans avoir l’impression d’être un commercial.

Aujourd’hui, j’encourage les auteurs à faire des séances de dédicaces, je vous encourage, vous aussi qui lisez cet article. Et c’est justement pour cette raison que j’ai demandé à Éric de participer à ce 5e Podcast pour soulever quelques blocages et casser les idées reçues !

Salut Éric ! Merci de prendre le temps de discuter aujourd’hui. Rentrons dans le vif du sujet. Quand les auteurs indépendants te contactent, comment ça se passe ? Comment faut-il s’y prendre ?

(Eric) On peut s’y prendre de plusieurs façons : envoyer un email, passer un coup de téléphone ou venir nous voir directement en magasin…

Si c’est par email, on peut nous joindre une présentation des livres et un contact. S’ils passent nous voir, c’est encore mieux, car ils nous apportent un exemplaire de leur livre et on fait connaissance. Et puis par téléphone, ils détaillent un petit peu et on convient d’un rendez-vous.

Vous fixez la date tout de suite ou vous avez besoin de vérifier qui est l’auteur et ce qu’il fait avant ?

(Eric) Non, non, ce n’est pas à nous de juger. Les gens viennent rencontrer un public, on a un espace à disposition. Nous ouvrons les portes à tous les auteurs, même les plus farfelus !

On ne fait pas de sélection, elle se fait naturellement. Il y a ceux qui viennent nous voir encore et encore et les autres. Généralement, quand ça se passe bien, on continue ensemble.

Les dédicaces se passent bien généralement ?

(Eric) La séance de dédicace, c’est un équilibre assez instable. Ça dépend de plein de choses, des conditions climatiques, du jour du mois… Parfois il y a des petits moments de solitude quand le magasin est vide, et je n’ai pas encore réussi à fabriquer des clients pour que l’auteur ne soit pas tout seul.

Donc, globalement ça se passe bien, c’est un magasin qui est assez fréquenté. Et les gens qui écrivent sont sympas, ils vont vers les clients. Les clients sont aussi habitués et vont facilement vers les auteurs pour leur poser tout un tas de questions. 

J’imagine que ça doit être assez dépendant des librairies. Vous, vous avez vraiment l’habitude d’accueillir des auteurs. Dans certaines librairies où c’est assez rare, les lecteurs qui passent sont peut-être plus surpris et un peu moins avenants… les libraires aussi ça peut arriver (rires).
Tu parles de la démarche de l’auteur en tant que telle. Certains vont vers les lecteurs, mais on sait tous les deux que d’autres restent derrière leur table. Pour ces derniers, ils sont surtout indépendants ou ça concerne plus des auteurs qui sont édités et qui sont là par défaut ?

(Eric) Sur les 9 ans passés à la librairie, il y a de plus en plus d’auteurs autoédités. C’est la majorité des auteurs que l’on reçoit, que ça soit de la BD, de la poésie, du roman, du livre jeunesse…

Certains font tout eux-mêmes et d’autres délèguent le démarchage pour eux. Je reçois de plus en plus de coups de téléphone de collectifs d’auteurs qui me demandent si j’ai de la place, si on peut recevoir un, deux ou trois auteurs… Ils ne sont plus seuls avec leurs petits cartons, il y a une vraie professionnalisation.

C’est plus pratique pour vous ce genre de fonctionnement ? Ça change quelque chose dans votre perception de l’auteur ?

(Eric) Non. Que ça soit un auteur qui fait tout lui-même ou un qui est dans une maison d’édition, on fait la même chose, les mêmes affiches, la même com. On fait pareil pour tout le monde.

Vous avez l’impression que votre travail est un peu vain, quand vous avez un auteur qui a fait cette démarche de venir et qui reste prostré derrière sa table ? Vous vous sentez comment par rapport à ça, en tant que libraire ?

(Eric) Quand l’auteur n’est pas acteur de sa dédicace et reste complètement passif, c’est sûr, c’est moins intéressant.

Déjà le lecteur peut parfois être timide. Il a peut-être envie d’aller voir, mais waouh… c’est un auteur… on ne sait pas trop comment l’aborder.

Certains auteurs ne font pas la démarche d’aller vers les clients. Il ne s’agit pas forcément d’aller les interpeller ou d’aller le chercher, mais juste un coup d’œil, tendre un marque-page… des petites choses qui permettent de rentrer en contact.

Donc oui, on a eu des auteurs qui ne faisaient rien, qui restaient assis à leur table et regardaient leur téléphone… ce n’est pas très engageant.

C’est dommage, car si c’est eux qui ont fait la démarche de venir à cette dédicace, de la programmer et de faire tout le nécessaire pour venir… c’est du temps perdu pour eux et pour vous.

(Eric) Je suis entièrement d’accord. C’est vrai que c’est un peu le seul moment où tu rencontres des gens. C’est un moment sympa où tu es en contact avec la personne qui va rentrer dans ton univers en lisant ton livre, donc autant y aller ! On ne risque rien.

Après on n’est pas obligé d’être souriant pendant les 8h de dédicace, à l’affût ! Mais au moins, être là pour les gens qui sont dans les parages. Mais ce n’est jamais un échec. 

En effet, avoir la démarche d’y aller, c’est déjà très important, même si sur place on n’arrive pas forcément à trouver comment aborder les lecteurs, quand on est indépendant, quand on est timide… On est un auteur, pas forcément une personne publique qui a envie de se montrer… Après il faudrait l’optimiser jusqu’au bout, tant qu’à y être !

(Eric) Oui, il faudrait un coach en pratique de la séance de dédicaces, donner les bons réflexes, les bonnes habitudes…

Je propose justement de faire ce travail avec les auteurs qui en ont besoin !
Du coup, tu parlais de promo. Il y a des idées reçues sur les séances de dédicace que j’ai pu voir avec les auteurs de ma communauté. Certains pensent qu’il faut absolument faire des séances dans des grandes librairies, qui ont de grands outils promotionnels… Il y aurait ainsi une énorme queue à leur table et ils seraient reconnus à leur hauteur de ce qu’ils méritent…
Bon… j’ai déjà contacté des grandes librairies et ils me disent que ça sera à moi de ramener les lecteurs en nombre conséquent… C’est bien pour ça qu’ils me refusent, car je n’ai pas les capacités !
Qu’est-ce que tu penses de ça, toi ?

(Eric) Je pense qu’on peut faire des dédicaces ratées dans des grandes librairies et des super dédicaces dans des toutes petites. Ce n’est pas une science exacte, c’est comme la météo et les combats de pouces (rires). Je pense vraiment qu’une grande librairie n’aura pas forcément 1000 personnes pour rencontrer un auteur.

Notre Espace Culturel est assez grand et la moyenne des ventes de livres, est entre 10 et 50 livres sur un samedi.

Parfois, on se dit que toutes les conditions sont remplies pour que ça marche, on a fait une com sur internet, il y a des affiches depuis 15 jours… ça va forcément marcher ! Et puis non…

Et pour certains auteurs, on ne sait pas pourquoi, on a mis les affiches la veille, on a fait un petit message sur Facebook, et il y a du monde toute la journée…

Les auteurs doivent se dire que rien n’est certain. Le coup de la grande librairie ça va forcément marcher et les petites moins, je ne crois pas.

La promotion est importante pour prévenir et habituer les personnes qui fréquentent la librairie aux événements réguliers, mais le plus gros se fait le jour J.

(Eric) Ça, c’est totalement vrai. On peut avoir communiqué sur les réseaux sociaux, mettre des affiches, mais une bonne théâtralisation c’est important. On a des auteurs qui viennent avec des grands panneaux, des plantes, des têtes de mort, des pistolets…

Des plantes !

(Eric) Ouais,  un gyrophare même ! (Rires)

L’auteur ne doit pas non plus hésiter à demander conseil au libraire sur comment ils peuvent mieux se présenter ou se mettre en avant. Qu’est-ce que je peux amener, comment je peux communiquer…

Après tu as tout à fait raison, tout se passe le jour de la dédicace. Il faut travailler sa pratique pour que ça marche.

Donc là tu nous as donné les ingrédients de la séance de dédicace réussie :
  • faire la démarche d’y aller, 
  • travailler sa promotion en amont pour prévenir les lecteurs que l’on connaît et vous aussi pour montrer aux personnes qui fréquentent la librairie qu’il se passe quelque chose.
  • le jour J, dans l’attitude même de l'auteur et éventuellement du libraire, qui aide toujours un peu en recommandant à un lecteur perdu de découvrir l’auteur.
L’attitude c’est vraiment ça le plus important, même si le lieu n’est pas le plus approprié.
Il m’est arrivé de faire des dédicaces dans des endroits qui n’étaient pas du tout appropriés. Par exemple, j’ai fait dans des Intermarché où la librairie ressemblait à un rayon de boîtes de conserve, grosso modo.
Ce n’était clairement pas un endroit où les gens avaient l’habitude d’acheter des livres et c’était en plus dans une ville qui n’était pas réputée pour être très haute en culture.
J’étais installée, là où il y a les battants pour rentrer dans l’Intermarché, au bout du rayon de la librairie. Limite, les gens me fonçaient dessus avec leur caddie, mais finalement, ça a super bien marché. C’était juste d’être là, d’être souriante et de montrer que j’avais quelque chose à proposer.
Il n’y avait pas grand-chose à faire de plus que dire, dès qu’ils regardaient un petit peu : « Bonjour, vous êtes curieux ? » (rires).

(Eric) Tu as cette démarche-là aussi parce que, quelque part, à l’intérieur de toi, tu as une petite corde humilité.

Après tout, écrire, c’est de l’artisanat. On utilise les mots, comme d’autres utilisent des vis et des boulons ou de la pâte et de la farine.

Quand on dit « Je suis là pour que les gens passent un bon moment en lisant mon livre », l’objectif n’est pas d’en vendre plein, par bateau, c’est de faire que les gens soient contents d’avoir le livre, d’avoir passé un bon moment en ta compagnie.

Donc oui, souriant, humilité, puis après, ça passe tout seul. 

Et puis, j’ai une devise toute simple qui dit « Donne et tu recevras ». À partir du moment où tu donnes de ta personne et que tu es le plus sincère possible, ça fonctionne.
C’est un gros problème pour beaucoup d’auteurs, parce qu’ils pensent que c’est un acte commercial d’aller promouvoir ses livres à l’extérieur. Ils ont l’impression de se transformer en vilain commercial qui va faire du gros marketing dégoûtant pour aller présenter son livre.
Mais, tu l’as dit toi-même, et on en discute depuis tout à l’heure, le plus important finalement c’est la sincérité de vouloir être là et de vouloir partager quelque chose.

(Eric) Exactement.

À partir de ce moment-là, il y a une relation humaine qui se crée. J’ai des gens qui me disent : « Je n’aime pas du tout ce que vous écrivez, mais juste parce que vous êtes courageuse, je vous achète un livre ». Très bien ! (rires). J’espère qu’ils vont l’apprécier quand même.

(Eric) De toute façon, on ne vend pas un produit. Le livre, ce n’est pas un produit comme une caisse à outils. C’est un produit culturel. C’est du troc. On troque nos histoires contre de l’argent. Si on pouvait échanger les livres contre de la laine, je ferais des pulls. On est obligés de passer par ça, mais, quelque part, tu as une histoire, une expérience, quelque chose qu’ils pourraient partager avec toi.

Ce n’est pas un truc de commercial. Il ne faut pas qu’ils voient ça comme ça. Surtout, les gens dans la librairie, ce sont des lecteurs. C’est quand même des gens qui sont assez curieux et qui ne vont pas vous voir en marchand de livres.

Ils vont voir un auteur, quelqu’un qui a passé des heures sur son petit clavier à retravailler et retravailler. C’est sympa d’aller les rencontrer et que les auteurs se disent « J’y suis en tant qu’auteur, pas en tant que VRP ». 

C’est ça, tout à fait !
Je vais te poser une question un peu étrange, mais c’est une pensée limitante qu’ont beaucoup d’auteurs. Quand je les encourage à aller faire des dédicaces, car pour moi, ça fonctionne très bien, leur première réponse va être : « Oui, mais vous êtes une femme, plutôt jolie… c’est plus facile pour vous ».
Alors, du coup, en tant que libraire qui a vu passer beaucoup d’auteurs, sur des critères physiques et de style, est-ce que tu as l’impression que ça change quoi que ce soit ?

(Eric) Franchement, pas du tout ! Il y a des hommes, des femmes, des jeunes, des grands-mères… comme dans la vie ! Je n’ai pas l’impression que ça a une vraie incidence sur les ventes ou les relations, je ne crois pas.

Finalement, je pourrais m’habiller comme une chaussette, à partir du moment où j’ai l’attitude d’être avenante, c’est bon. Tout va être dans ce qu’on exprime et dans ce qu’on veut communiquer…

(Eric) Dans ce que tu dégages aussi parce que tu peux avoir des gens très beaux, mais qui, en fait, sont à peu près aussi excitants qu’une assiette à soupe… Il n’y a pas de chose qui émane d’eux.

Après, tu as des gens qui ne sont pas forcément beaux… et tu as envie d’aller les voir. Ce n’est pas un critère physique. C’est un truc d’ordre un peu plus subtil. Il faut travailler sur son karma. Il ne faut pas avoir peur des gens. Il ne faut pas se sous-estimer ni se surestimer et il faut y aller en étant normal. 

Et puis, il ne faut pas hésiter à être normal, y compris dans l’imperfection. C’est ce que j’ai expliqué à certains auteurs que j’ai accompagnés sur des séances de dédicaces.
Ils me disent « Oui, mais je suis timide ». Je réponds que justement ils peuvent aller voir les lecteurs, l’air complètement timide, la tête dans les épaules. Puis, dire : « Pardon, je suis timide, j’ai peur de vous déranger… » et vous lancez la conversation.
Et la personne en face elle aura de l’empathie pour vous. Elle a envie de vous écouter et ça va créer quelque chose. Montrer ses peurs, sa vulnérabilité, c’est aussi un moteur intéressant pour aborder les gens.

(Eric) On parle un peu de ses faiblesses, de quelque chose d’un peu atypique. Et puis, de toute façon, tu es timide au début, à ta première dédicace et je pense que ça s’émousse.

La timidité, elle disparaît petit à petit quand tu commences à rentrer dans ses choses que tu connais, sur la façon d’aborder les gens. Rien que faire le pitch de son livre la première fois, ce n’est pas facile…

Les auteurs, c’est vachement dur de défendre son propre truc alors que quelqu’un qui l’a lu va en parler nettement mieux que toi…

Alors, avant d’aller dans une dédicace, on peut faire un petit pitch qui donne envie, résumer son livre, avoir des réponses à certaines questions que tu as naturellement quand tu fais plein de dédicaces. Au bout d’un moment, tu es sur le sentier…

Tu es rodé.

(Eric) Exactement ! Mais au début, il faut travailler ça pour être à l’aise. Si tu es timide et qu’en plus, tu dois fournir un effort intellectuel pour répondre à la question piège pour présenter ton truc, c’est peut-être un peu chaud. Tu prépares tout, et c’est comme si tu avais ta petite fiche. Le travail en amont, ça peut être un truc qui permet de souffler, de se relaxer, en se disant « Je ne vais pas être piégé ». 

Comme tu le dis très bien, c’est important aussi de s’inspirer des mots des lecteurs. Quand je prépare les pitchs de mes livres, quand ils sortent et qu’il faut que j’aille les présenter une première fois en séance de dédicaces, je m’inspire vraiment des commentaires des lecteurs que j’ai pu recevoir, même de mes bêta-lecteurs, c’est-à-dire vraiment en amont de la sortie.
Ça me permet vraiment d’avoir le premier ressenti : qu’est-ce qu’ils remarquent le plus ? Telle sensation ou telle autre ? Sur quel levier ça joue ? Quel genre ils reconnaissent le plus ? Ça me permet de mieux décrire mon univers.

(Eric) C’est vrai ce que tu dis. Même les critiques qui sont postées sur Babelio ou ce genre de choses. Les lecteurs, parfois, utilisent des mots super justes. On est même surpris. Utiliser les mots des autres, c’est pour se forger les mots qui vont avec ton livre. 

Par exemple, pour « Au-delà des tours » et maintenant « Juste Puni », je n’aurais jamais osé dire que c’est une ambiance polar parce que ça n’a rien d’un polar dans le sens où il n’y a pas d’arme, pas de flic, pas d’enquête. Mais c’est un libraire qui me l’avait dit et ça décrit très bien l’ambiance en effet.
Aujourd’hui, ça me permet de dire quelque chose de positif et d’utiliser des termes qui ne sont pas forcément négatifs comme « un roman très sombre, un peu claustrophobe »… Une ambiance polar, les gens comprennent ce que ça veut dire, ils ne s’attendent pas à un feel-good ou à de la comédie. C’est là qu’on voit vraiment l’intérêt des mots et des descriptions des lecteurs pour s’inspirer pendant les discussions.

(Eric) Se balader toujours avec son petit calepin pour noter la citation… Les dédicaces, c’est un petit peu un sport. Au début, tu n’es pas très doué puis après, tu t’affines. Tu te bonifies. C’est comme tout, il faut y aller. 

Et comme je le disais dans l’introduction de cette interview, c’est vraiment un épanouissement personnel. On apprend tellement de choses sur soi en allant justement au-delà de ses peurs, de sa timidité.
En plus de tout ce qu’on apprend pendant la présentation de son livre lors de la séance de dédicaces. C’est quelque chose qu’on peut utiliser ensuite dans la promotion plus globale sur internet.

(Eric) Quand tu fais une dédicace, tu te mets aussi un peu en danger parce que tu as des gens qui te disent des trucs positifs. Mais tu as ceux qui te disent des trucs négatifs et il y a des gens qui ne sont pas très sympas.

« On ne vous connaît pas et ça, ce n’est pas beau… ». Ils te regardent « A mon avis, ce que vous faites, ça doit être nul ». J’ai entendu des gens dire ça (rires).

C’est un moment super chouette, mais avec parfois des petites surprises.

C’est là que ça fait travailler l’égo et cette notion de confiance en soi. Ça nous apprend à avoir du recul sur l’avis des autres : on plait et on ne plait pas. Il m’est arrivé d’avoir un homme qui m’a dit : « je ne lis pas des romans de femmes. C’est creux ».
Dans ces cas-là, on apprend à ne pas rentrer dans le débat, à ne pas se justifier. On apprend à dire « OK, merci, au revoir » et on passe à autre chose. Et on n’hésite pas à aller pleurer dans un coin, à faire un petit tour si on a besoin parce qu’en effet, les journées sont longues !

(Eric) Le soir, tu es bien fatigué oui.

Tu as déjà eu l’expérience des dédicaces en tant qu’auteur. Ça se passe comment pour toi ?

(Eric) Ça se passe bien (rires). J’en fais très peu parce que je n’ai pas le temps, mais celles que j’ai faites ou en salon, c’est plutôt des rencontres…

Dans les librairies, c’est chouette parce que tu rencontres des libraires et tu rencontres des lecteurs. Dans les salons, c’est chouette aussi parce que tu rencontres des auteurs. Quand on est plusieurs, c’est une ambiance très sympa.

Ce n’est pas du tout la même chose. En salon, ça défile toute la journée. Dans une librairie, ça défile un petit peu moins. Répéter tout le temps les mêmes trucs, l’espèce de routine qui s’installe, à la fin de la journée, tu l’as répétée 70 fois l’histoire de ton bouquin, pourquoi ça peut être si, pourquoi… Tu as besoin un peu de souffler. Mais c’est une expérience rigolote. 

Super ! Pour l’attitude, on en a pas mal parlé. Si on revient à la prise de contact, c’est vraiment la première barrière finalement entre l’auteur et sa dédicace.
Je sais qu’il y en a beaucoup qui hésitent et qui se découragent très vite aussi, car ils n’ont pas forcément de réponse tout de suite.
Vous, vous êtes géniaux, mais comme je le disais, tous les libraires ne le sont pas autant… (rires). Est-ce tu as peut-être des conseils un petit peu à donner aux auteurs ?

(Eric) D’aller vers un maximum de libraires au moins ! Statistiquement, si tu contactes 20 librairies, tu peux espérer en avoir 10 %, donc en faire 2 et c’est déjà bien.

Ensuite, ne pas hésiter à rappeler la semaine juste avant la séance pour te rappeler à leur bon souvenir tout en étant gentil, en disant « Je viens la semaine prochaine… », remettre un peu les choses en place. C’est une petite piqûre de rappel juste avant.

Et puis, le libraire est ton ami, gardez ça en tête. Nous, on essaye vraiment de se mettre au service des auteurs. Quand ils viennent, on les invite à manger. On essaye de faire plein de trucs pour qu’ils se sentent bien, qu’ils n’aient pas l’impression d’être la 5ème roue, de gêner aux déplacements…

Nous, on vend ce que des gens ont écrit et on est content. Même si on ne peut pas leur consacrer 100 % de notre temps parce que ça se passe bien évidemment un samedi et que le samedi, il y a du monde.

Pour ceux qui peuvent, déposer des exemplaires du livre pour que le libraire le lise. Parfois, les auteurs de bandes dessinées, quand ils viennent pour caler une dédicace, ils nous laissent toujours un exemplaire dédicacé pour nous remercier. Pareil avec les romans. Quand tu arrives dans le magasin pour une dédicace, tu en laisses un au magasin dédicacé à l’équipe. Ça peut être un truc qui peut être sympa. Les petites attentions sont les bienvenues.

Et puis, dans les mails qui accompagnent les factures, mettre une petite note pour remercier. C’est chouette aussi parce que, quand ce sont des grosses structures comme Leclerc par exemple, mais ça peut être la même chose dans un Cultura ou autre, les mails avec les factures circulent de la librairie à la comptabilité. Quand tu as un mail qui est plutôt sympa, les trucs sont traités… À chaque fois que les gens sont gentils, de l’autre côté, il y a une réciprocité.

Voilà, et après, on garde le contact. 

Oui, on revient tranquillement.

(Eric) Ou même quand on passe pas loin… (rires).

OK super ! C’est vrai que, du coup, pour la partie début de la séance de dédicaces, c’est ce que je dis souvent aux auteurs, il ne faut pas hésiter à contacter beaucoup de libraires.
Il ne faut pas non plus hésiter à insister avec politesse. Le libraire est un humain ; il a aussi plein de choses à faire et, des fois, il ne voit pas le mail de proposition, etc.
Il m’est arrivé d’attendre 3 mois pour réussir à fixer une date. J’ai passé 3 mois à appeler pratiquement tous les 10 jours. À la fin, ça ressemblait à du harcèlement, mais tant qu’on ne me dit pas stop, je continue… Ça a fini par payer !
Il faut aussi savoir qu’une fois qu’on a réussi à mettre le pied dans une librairie, on crée justement ce relationnel avec le libraire basé sur une bonne attitude. Ça devient de plus en plus simple ensuite d’avoir les prochaines dates.
C’est pour ça, il ne faut pas hésiter à persévérer. Le plus gros travail se fait à la préparation. Ensuite, ça devient un petit peu une continuité, dans tous les sens du terme.

(Eric) Ce que tu dis est juste parce qu’il y a pas mal d’auteurs qui, à la fin de la dédicace, reposent une date. Parfois, c’est même l’année d’après, mais, au moins, elle est calée. Tu peux viser certaines dates aussi, Noël par exemple, en disant « J’ai dédicacé en février. Est-ce qu’il y a une petite date à Noël ? » comme ça, ça permet aussi, une fois qu’on est dans la bergerie, on y reste. 

Est-ce que tu veux partager un dernier mot pour la fin ou pas ? Est-ce que tu voudrais ajouter quelque chose pour les auteurs qui nous écoutent ?

(Eric) Il faut garder la motivation, c’est super important ! Même s’il y a 50 portes qui se ferment, il y en a une qui va finir par s’ouvrir. Donc, ne pas se démoraliser et puis ne pas appréhender la dédicace en disant que ça va être super bizarre… Il faut y aller, il faut tenter et puis, si on ne fait pas le premier pas, personne ne le fera à notre place. Il faut y aller.

C’est clair ! Le choix ne tient qu’à l’auteur qui fait la démarche.

(Eric) C’est ça ! Personne ne le fera et personne ne le fera aussi bien donc autant qu’ils y aillent.

Du coup, je voulais prévenir quand même les personnes qui nous écoutent, qui sont auteurs et parfois lecteurs, que tu as sorti récemment ton livre qui s’appelle « L’enfant qui dépliait le monde » aux éditions Pygmalion. Donc, « L’enfant qui dépliait le monde », c’est quoi ?

(Eric) C’est bien ! (rires). C’est l’histoire d’un petit garçon qui, suite à un accident, découvre qu’il a toute l’histoire de sa vie écrite sur ses os. Donc, on lui fait passer des radios et, là, il y a des choses écrites sur tout son squelette.

C’est l’histoire de sa vie. Mais, dans cet accident, il a perdu son bras gauche et toute la fin de son histoire était écrite sur ce bras-là. Il va devoir retrouver sa petite-amie et donc, il va partir à l’aventure dans un monde complètement burlesque, féérique, poétique à travers la France des années 70, la conquête spatiale… enfin vraiment plein de choses, l’écologie…

C’est un roman onirique, de Tim Burton, de Jean-Pierre Genet, de ce genre de choses…

Comme je le disais, si jamais il y a des auteurs du côté de Varennes sur Seine, d’ici la fin du mois, ça ne servira plus à rien de demander « Éric », tu n’y seras plus là !
La librairie restera grande ouverte à tous les autres auteurs et les autres libraires sont aussi extrêmement gentils.

(Eric) Oui, et si les auteurs vont à Varennes et qu’ils vont à la librairie, ils peuvent demander Caroline. C’est la libraire qui pourrait se charger de les accueillir.

Super ! Merci beaucoup Éric pour cette interview !

Merci Anaïs !


CaTÉGORIE


A PROPOS D'ANAIS WEIBEL

Auteure auto-éditée depuis 2015, je vis de ma passion depuis 2018, avec un SMIC réalisé chaque mois grâce à la vente de mes romans. Aujourd’hui, je travaille à temps plein pour faire connaître mes livres et partage mon expérience et mes stratégies avec vous sur ce blog ! :D

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  • Bonjour, j’ai déjà écrit une vingtaine de livres, et participé à des salons de livres dans des médiathèques de mon département de l’Oise.
    Non seulement c’est gratuit, mais à la fin de la journée, la personne responsable de la médiathèque achète au moins un bouquin à chaque auteur.
    Une séance de dédicaces dans une librairie me tente mais m’effraie en même temps, car quelle en est la participation financière ?
    Non que je sois pingre, mais seule et retraitée.
    Merci.

    • Bonjour Marie. Généralement les libraires prennent 30% du prix TTC du livre en commission lors de ventes en magasin. Tu peux parfois négocier un petit peu… Même si cela peut sembler beaucoup, selon les librairies, si tu as du monde et que tu vends bien, cela peut être très profitable. 🙂

  • Cet interview est vraiment super !
    Merci pour tout ce qui a été dit ! Ça donne vraiment envie de faire une séance dédicaces dans cette librairie ! Dommage que je sois à 1h30… en avion !! Hihi ! Peut-être qu’un jour… En attendant je fais ça près de chez moi 😉 les autres, allez-y ! Sortez de votre zone de confort ! 🙂

    Pour rebondir sur les « mauvaises » rencontre d’Anaïs, pour le Monsieur qui ne lit pas de livre de femme… je crois que je lui aurais demandé en rigolant « Si je mets une barbe et que je me commence à boire de la bière, est-ce que vous lirez mes livres ? » 🙂
    Avec de l’humour, mes amis !! C’est beaucoup plus facile 🙂

    Et pour celui qui dit « ce que vous faites doit être nul… »
    Bien-sûr ça pique !! Mais ne lui voulez pas, et même, j’ai de la peine pour cette personne, car elle doit beaucoup souffrir et être mal dans sa peau pour penser et dire des choses comme ça à des inconnus.

    Relativisez ! On ne peut pas plaire à ceux qui ne nous voient pas. Et clairement, ces deux personnes n’ont pas VU Anaïs 🙂

    Plein de bisous !!! Je vous souhaite à tous plein de signatures et de mots doux ;-).

  • Merci pour ce partage. Personnellement j’ai trouvé tes questions justes et très pertinentes. Le son n’était pas parfait par moment mais cela ne gênait pas du tout l’écoute. J’ai beaucoup appris sur le déroulement des dédicaces. C’était très formateur et motivant. Bonne continuation

  • Bonjour Anais et merci pour cet article. Je viens de publier mon premier roman chez Amazon et savoir qu’il est possible de faire des dédicaces dans un espace convivial à même pas 10 km de chez moi m’encourage fortement à tenter l’experience . Je vais certainement attendre d’avoir un second livre à présenter mais je garde cela bien au chaud dans un coin de ma tête

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