En novembre, j’ai participé à une enquête sur l’auto-édition du Nouvel Obs, paru en décembre 2020. J’ai répondu aux questions avec sincérité, sauf qu'elles ont parfois été utilisée à mauvais escient : en effet, cet article ne me semble pas neutre, mais plutôt à charge contre l'auto-édition. Mais je te laisse en juger par toi-même !
Aujourd'hui, je souhaite partager avec vous mes réponses aux questions qui m'ont été posées. Certains sujets étaient intéressants à aborder et je trouve ça enrichissant de vous présenter "l'intégralité" de mes réponses et pas seulement des citations. 🙂
Enquête sur l'auto-édition du Nouvel Obs
Présentation générale
Je suis Anaïs Weibel, auteur autoéditée depuis 2015. Je vis de ma passion de 2018 et génère l’équivalent d’un SMIC grâce à la vente de mes romans. Dès mes débuts en auto-édition, j’ai partagé mes expériences et mes conseils sur un blog « Vivre de ses romans », aujourd’hui une référence dans la communauté. Il est visité par 4 à 5000 personnes chaque mois et plus de 1500 auteurs suivent la newsletter. En dehors des articles gratuits, j’y propose aussi de l’accompagnement pour apprendre aux auteurs les bases de l’auto-édition, ainsi qu’une formation complète pour les aider à créer leur site internet.
Quel est votre âge, votre formation ?
J’ai 32 ans, j’ai fait des études scientifiques jusqu’au niveau master en virologie. J’ai commencé une thèse dont j’ai démissionné après huit mois pour me lancer dans l’auto-édition de mon premier roman.
Pourquoi avez choisi de vous autoéditer numériquement ?
J’écris depuis l’âge de 12 ans. Quand en 2015, j’ai eu envie de quitter le salariat pour devenir indépendante, j’ai pensé à vivre de ma passion, via l’auto-édition. Je n’ai pas cherché à être éditée par une maison d’édition, j’ai tout de suite fait les choses par moi-même, car c’est un plaisir de récolter le fruit de son travail.
Je suis aujourd’hui autoéditée au format numérique et broché. Je vends mes romans via Amazon, sur ma boutique en ligne et lors de séances de dédicaces tous les weekends.
Espérez-vous passer à l’édition traditionnelle ?
C’est mon grand dilemme. Pour le moment, je n’en ai pas très envie, car j’ai peur qu’une maison d’édition ne fasse pas le travail promotionnel que j’accomplis actuellement et qui me permet d’en vivre : je devrais donc continuer à faire ce même travail… pour gagner des clopinettes !
Mais on ne peut jamais dire jamais : si une maison venait à me contacter, ça serait le moment de me repencher sur cette question et de discuter de leurs engagements.
Avez-vous un second métier pour vivre ? Combien vous rapporte ce mode d’édition?
Non, je dédie 100% de mon temps à l’écriture et à la promotion de mes romans. Je suis en SARL et je génère 2000€ de profit grâce à la vente de mes livres. Cela me permet de vivre avec l’équivalent d’un SMIC depuis 2018.
Recommandez-vous ce mode d’édition ? Quels en sont les défauts et les qualités ?
Ce mode d’édition n’est pas fait pour tout le monde et tout dépend de ce que l’on en attend. Je pense que l’auto-édition est faite pour les auteurs qui comprennent et acceptent que l’autopublication de leur livre est un travail à part entière, qui demande à se former, à persévérer. Les résultats seront là, à un moment, mais comme tout travail en indépendant, cela demande un certain état d’esprit et pas mal de patience…
Pour moi, c’est surtout ça qu’apporte l’auto-édition : elle nous forge, quoi qu’on en attende (être lu par 10 ou 10 000 lecteurs).
Ensuite, l’auto-édition laisse une place à tout le monde de s’exprimer, sans avoir à être sélectionné par une maison d’édition (si celle-ci daigne regarder le manuscrit). C’est à la fois un avantage et un inconvénient, car les lecteurs finissent par y trouver de tout et de rien. Mais je pense que les auteurs qui se professionnalisent vraiment, offrent un contenu et une communication de qualité, ont la possibilité de tirer leur épingle du jeu, comme je l’ai fait.
Bien sûr, il y a des inconvénients à être en auto-édition. Il faut quand même avoir un minimum d’aisance technique ou être prêt à avancer certaines sommes pour déléguer une partie de la publication auprès de free-lance ou de plateformes (mise en page, couverture, mise en ligne…).
Une fois ces étapes franchies, le gros point noir selon moi est que les auteurs autoédités peuvent difficilement participer à des grands concours reconnus dans le monde de la littérature. Je trouve cela assez discriminant, car de très bons auteurs mériteraient de tels prix. La preuve, les maisons d’édition démarchent parfois elles-mêmes les auteurs autoédités pour garnir leur catalogue.
Souffrez-vous de ne pas être reconnu par le milieu littéraire traditionnel ?
Parfois ! Le statut d’auteur créé récemment est censé aider à cette reconnaissance, mais avoir ce statut n’enlève pas la différence entre auto-éditée et édité.
Aujourd’hui, même si je suis heureuse d’avoir touché 25 000 lecteurs, c’est un travail harassant. Il m’arrive d’avoir des baisses de moral surtout quand je me sens mal vue ou limitée dans mes actions sous prétexte que je n’ai pas de maison d’édition.
Avoir la reconnaissance du milieu littéraire rendrait les choses plus faciles, pouvoir dire « je suis passée à La Grande Librairie » ou « Gérard Collard a lu mon livre ». J’ai essayé de contacter ces gens, de démarcher certains médias. J’ai eu des retours parfois prometteurs (Magazine de la Santé, Télérama) mais finalement, sans maison, sans agent littéraire et sans piston, il est difficile de passer devant les auteurs édités dont les livres arrivent en abondance chez les libraires et les journalistes.
Quel genre de littérature écrivez-vous?
J’écris des récits de vie. On y suit le parcours de personnages et la manière dont ils affrontent la vie, ses difficultés en se réinventant pour trouver un peu de bonheur ! À travers mes histoires, je touche à différents genres, allant de l’ambiance Polar, à la romance, en passant par le développement personnel et le voyage.
Pourquoi écrivez-vous ?
J’écris d’abord pour moi. J’ai essayé l’inverse (de penser à ce que les lecteurs attendaient) et ça n’a pas marché ! Alors après 7 romans publiés et très bien accueillis, je continue à penser d’abord à ce que j’ai envie d’écrire, de partager. Ensuite l’histoire se déroule et je m’efforce de la rendre la plus palpitante et aboutie possible. Jusqu’à présent, ça a très bien fonctionné et les lecteurs sont toujours au rendez-vous lors de mes nouvelles sorties.
Vous connaissez maintenant toutes mes réponses faites à ce journaliste ! Si vous souhaitez découvrir l'enquète sur l'auto-édition parue dans le Nouvel Obs, cliquez-ci dessous :
Vous pourrez aussi en apprendre plus sur d'autres auteurs auto-édités, en espérant que leurs propos ou leurs chiffres n'aient pas trop été sortis de leur contexte.
Moi aussi , je trouve l’article équilibré. Pas de quoi s’offusquer de l’ironie qui apparait ici et là. Surtout que le passage Anaïs W se contente de reproduire ce que tu as répondu.
L’article met en lumière également que l’auto-édition est une voie à suivre parce qu’elle ouvre des portes sur un métier à plein temps.
Personnellement je viens d’envoyer un roman à une maison d’édition (qui me promet une réponse fin janvier), mais je ne ferme pas la porte à l’auto-édition qui me parait (même à la lecture de l’article) une bonne voie à suivre….
A bientôt
Par définition, un journaliste a un « angle » sur chaque sujet, et les interviews qu’il fait ne sont destinées qu’à servir d’illustration à l’angle qu’il a déja choisi – pas à refléter ce que pense vraiment la personne interviewée, qui n’est là que pour faire de la figuration.
Ceci étant dit, je trouve l’article de l’Obs sur l’auto-édition globalement équilibré – même s’il y a un peu d’ironie narquoise ici et là, mais c’est de bonne guerre. Et ta partie, Anaïs, me semble relativement neutre, se contentant de récapituler les données factuelles de ton business et comment tu t’es lancée dans l’aventure.
Et il y a quelques passages marrants, il faut le reconnaitre 🙂
« Il est vrai que dénicher une pépite dans l’immense favela de l’autoédition nécessite le courage d’Indiana Jones. »
Un article plutôt intéressant, qui ne m’a pas réellement semblé hostile à l’autoédition. Et puis, même si c’est le cas, quelle importance ? L’article montre lui-même que les auteurs indépendants s’en sortent généralement beaucoup mieux que les auteurs traditionnels. L’intelligentsia parisienne peut bien nous mépriser tout son saoul, entre être publié chez Gallimard à gagner des clopinettes et devoir avoir un autre travail à côté et publier par moi-même, bien gagner ma vie en ne faisant qu’écrire, mon choix est fait 🙂
Oui, mais ça c’est justement l’aspect bien montré dans l’article, notamment dans les extraits choisis d’Anaïs : malgré le succès objectif de nombreux auteurs auto-édités dans leur activité de petit entrepreneur, au fond de leur tête beaucoup sont rongés par l’absence du prestige et de la reconnaissance afférents aux « auteurs publiés », notamment dans les grandes maisons.
Entre dire « je suis publié chez Gallimard » (même si je ne gagne presque rien) – donc aux côtés de Proust, Camus ou Saint-Exupéry – et « j’arrive à gagner un smic en envoyant des mails à ma mailing list et en faisant des dédicaces dans des supermarchés de province », évidemment, l’effet (et le ressenti pour l’auteur) n’est pas tout à fait le même…
Pour avoir longtemps cherché cette reconnaissance, c’est un besoin que je comprends. Mon parcours a toutefois fait que j’ai radicalement changé d’opinion sur la question et, à mon humble avis, il est dommage de ressentir encore cette « frustration de la reconnaissance » à partir du moment où le choix de l’édition indépendante est un choix conscient et non par défaut. D’autant plus quand on sait, une fois encore, qu’être édité chez Gallimard ne remplit pas son frigo.
Mais chacun sa sensibilité.